Vendredi 19 janvier 2024 à 20h15 au stade de la Bedoule.
CIC V11 – FC Roquefort la Bédoule : 6 à 2.
Buteurs : Espo (x2), Sampo (x2), Coluche et Mathieu.
Résumé par Batbeu.
C’est au diable vauvert que nous jouons ce soir puisque nous sommes attendus dans ce haut-lieu du football rustique : Roquefort-la-Bédoule. J’arrive dans l’espoir qu’ils vont nous opposer,comme souvent, une certaine résistance. La victoire n’a de véritable saveur que quand elle est durement acquise. Notre shabbat footballistique (shalom Gillou) du vendredi soir s’annonce donc épicé en mode Gaza Party. Tant mieux.
Lolo Bispo est le premier arrivé. On gagne du temps de jeu comme on peut. Il faut bien sucer la Tour Eiffel pour la rendre pointue. Tandis qu’Auré est déjà en tenue, rutilant comme une joueuse de l’OL, une ombre semble se dessiner dans le vestiaire. Presqu’un doute. Nabil reste absent. Ce n’est pas un simple retard : il ne viendra pas du tout ! Nous nous regardons d’un air ahuri (en particulier Jo) et l’angoisse nous gagne. Comment allons-nous évoluer sans les plans de jeu guardiolesques de
notre entraîneur patenté ? Soudain apparaît Mimet et son galurin. Nous sommes un peu soulagés.
Mais à peine. Pour certains cela entraîne même des problèmes gastriques et Coluche disparaît derrière une porte : l’écureuil tape au carreau semble-t-il. Cette légère confusion quant à moi me donne plutôt soif et je ne cracherai pas sur une petite bière pour me graisser le toboggan.
Alors que nous nous échauffons comme des enfants sages, les Bédoulens envisagent cet exercice comme une contrainte surannée semblant oublier qu’à notre âge canonique c’est la blessure qui te nique. Steph a heurté son orteil l’an dernier contre un Wisigoth du fin fond d’un village provençal perdu : ça fait huit mois qu’il attend pour rejouer. Contrôle des licences, qui m’a toujours fait penser à un acte carcéral, et là, nous évitons le drame de justesse. L’arbitre ose demander à Cédric d’enlever son cache-cou. Ce dernier, qui vient du ghetto de Plan-de-Cuques, prend cette rodomontade comme un affront et s’adresse vertement au représentant de la Loi. Face à ce début
d’échauffourée hyper violent, nous restons comme deux ronds de flan (en particulier Jo) puis le match débute.
Cissou absent, notre équipe semble étrangement bien organisée car chacun reste dans sa zone. Je me permets ici une légère digression afin de défendre les joueurs qui dézonent. Touché personnellement par ce mal superbe, je voudrais ici rappeler l’importance du « dépassement de fonction ». Autant il y a des mots contemporains qui ne devraient pas exister comme « impacter » ou « bienveillance »,
autant je trouve cette expression pertinente. Même dans un football actuel qui se voudrait scientifique et trop cartésien (« bloc médian » zarma), on est forcé de reconnaître la dimension irrationnelle, instinctive qu’adoptent certains joueurs comme une qualité. Dieu soit loué.
Dès les premières minutes nous prenons l’ascendant et un de leurs joueurs, à la tête curieusement rectangulaire, se blesse. Ischio. Paf. Classique. Il peut désormais poser sur sa cuisse un rectangle de glace. Ou son crâne. Ça peut faire aussi l’affaire. But clinique de Coluche suivi d’un « Espo ». Pour information, un « Espo » est un but ni laid ni beau marqué avec un corps ni fin ni gros. Ce parfait équilibre, dit du « moyennasse », n’est pas simple à trouver. Détrompez-vous. Le triangle d’or Auré-Steph-Batbe fonctionne à merveille et notre défense centrale Franky-Charly fait bonne garde
malgré un attaquant adverse qui leur donne du fil à retordre.
En parlant de fils, ce sont ceux de Jo qui vont finir par se toucher en fin de première mi-temps. En effet, après un énième mauvais choix de jeu de sa part et après lui avoir partagé mon savoir une énième fois, le voici qu’il prend la mouche. Demande du respect. Crie à l’injure. Est-ce injurier que de rappeler un état de faits ? Je suis perplexe. Certains joueurs viennent même me voir afin que je baisse le gaz sous notre soupe au lait nationale. Je suis tenté, bien au contraire, d’en rajouter un peu mais je pense soudain à l’équipe et à la notion de bien collectif. Je ne laisse donc pas mon humeur
personnelle prendre le dessus. Un peu de sagesse que Diable !
Les buts s’enchaînent avec Espo encore et Matthieu qui, après trois sauts d’obstacles, une course rapide de cent cinquante mètres et une demi-volte renversée(1), pousse ce qui lui semble être un ballon au fond des filets. Le mot « chevauchée » a été inventé pour lui. Autre dada à entrer sur le manège, Sampo qui fête son retour avec un doublé et une absence de luxation acromio claviculaire de stade 3. Malgré les deux buts vains que nos adversaires parviennent laborieusement à marquer, la
messe est dite. Franky en profite pour sortir sur une blessure diplomatique tandis que Lolo fait une entrée remarquée. Il tente de mettre la tête à la 76’.
Vers la fin du match, j’ai maille à partir avec un joueur quelque peu hostile après une semelle, un peu appuyée certes, de ma part. Cet être incongru appartient à la catégorie assez originale dite du « Rasta blanc ». Très dangereuse. Cette tentative de collision culturelle entre Roquefort-La Bédoule et Kingston me déroute. C’est quand même fou jusqu’où le rastafarisme a pu déposer ses graines !
Après tout, il a comme moi une tête d’abonné au gaz. Nous nous quittons bons amis.
L’homme en noir siffle. Victoire nette et sans bavure 6-2. Nous nous serrons la louche. Direction la douche et la trattoria pour se péter les bretelles.
(1) Demi volte renversée : contraire de la demi volte. Le cheval commence par une oblique et termine par un demi
cercle qui lui permet de se retrouver à l’autre main.